Bosnie-Herzégovine et Croatie : notes de voyage

Banja Luka - Jajce - Travnik - Sarajevo

Banja Luka - Jajce - Travnik - Sarajevo (4 août) : où l'on fait de multiples et intéressants rencontres

Lever tôt le matin. Caroline veut s'acheter quelque chose à manger. Elle évite de peu un truc à la saucisse, et opte pour un beignet. Plein d'huile. Qu'elle finira par donner à une vieille femme qui mendie, à Jajce.

On prend le bus vers Jajce. Trajet magnifique : on longe les gorges de la Vrbas. De très belles photos à prendre, mais j'ai visiblement décidé d'en prendre des moches. Mal cadrées, avec des reflets contre la vitre du bus, et en plus le ciel est très nuageux, donc il n'y a pas de lumière. C'est dommage, parce que c'est vraiment beau. Caroline est un peu moins passionnée par le paysage, elle a un peu mal au cœur.

À Jajce, on se balade dans les petites rues, qui mènent en haut du village à une forteresse (encore une). Plus bas, une église et une mosquée sont en reconstruction (c'est ça aussi, la parité). Pas mal de touristes en bas dans la ville, beaucoup moins dans les hauteurs (c'est un phénomène que l'on retrouvera ailleurs, que ce soit à Sarajevo, à Mostar ou à Dubrovnik).

Comme lors du trajet en train entre Zagreb et Banja Luka, on a l'impression que les habitants reconstruisent les maisons en gardant les anciennes fondations.

Jajce, c'est mignon, mais ce n'est pas bien grand, et on en a vite fait le tour. Et comme il ne fait pas vraiment beau, on décide de ne pas s'éterniser et d'aller à Travnik. Mais le bus passe beaucoup plus tard dans l'après-midi (oui, parce qu'on est déjà l'après-midi ; je n'ai pas précisé que j'ai mangé un burek. Si je dis rien, c'est burek, ok ?). On tente donc le stop. Je commence à fabriquer une pancarte, quand un camion s'arrête un peu plus loin : c'est l'« effet Caroline ».

Un jeune routier (un peu moins de 30 ans, à peu près) nous invite à monter dans la cabine. On se présente, on lui dit qu'on est français. Et ça le surprend : « Francuske ! », s'écrit-il, comme s'il n'y avait bien que des Français pour faire du stop en pleine Bosnie-Herzégovine. On s'installe dans la cabine, moi sur le siège passager et Caroline un peu derrière, sur des cartons. Il (honte sur nous, on a oublié son prénom… je crois me souvenir que ça commençait par un « A », alors appelons-le A.) nous explique qu'il transporte de la bière. Quand je dis qu'il nous explique, je précise qu'il le fait en serbo-croate. Il a du nous sortir un ou deux mots d'allemand ou d'anglais, mais c'est à peu près tout. Mais bon, « pivo » (« bière »), je l'ai retenu quand j'ai révisé mon lexique avant de partir. « Vous voulez de la bière ? ». J'hésite, comme il est parti, il est capable de s'en déboucher une, on aura l'air malin s'il picole au volant. Il insiste, alors on dit « oui ». Je suppose qu'il va nous sortir des bières d'une glacière, sous son siège, ou un truc comme ça. Mais non. Moins de cinq minutes plus tard, il se range sur le bord de la route, et descend du camion. Je me demande ce qu'il fait, il pleut à grosses gouttes. Je finis par descendre, et retrouve A. en train de retirer les bâches de sa remorque… Il prend trois bouteilles de bière et deux bouteilles de jus de fruits. Et remet la bâche, comme si de rien n'était. On remonte tous les deux dans la cabine, et on repart. Je lui demande (par geste) s'il a un décapsuleur. Malheureux, pas besoin ! Il me prend les bières des mains, et les ouvre une par une avec une autre bouteille, le tout en conduisant. Je lui propose une bouteille, mais il me dit que non, qu'il ne boit pas au volant. Bonne idée, ça. D'un autre côté, il conduit en ouvrant des bières, en regardant une carte et en nous montrant où on est et en répondant au téléphone. D'ailleurs, son téléphone sonne deux ou trois fois pendant le trajet. On ne comprend pas bien ce qu'il raconte, à part un mot : « Francuske ! » On a l'impression d'être l'attraction du jour.

La communication n'est pas simple. Il a envie de parler, nous aussi, mais le petit lexique que j'ai emporté est bien insuffisant. On essaie d'expliquer les choses simplement, mais quand on ne trouve pas un mot dans le lexique, ça se complique…

« Pourquoi vous êtes venus en Bosnie-Herzégovine ? » Déjà, en français, on ne saurait pas forcément répondre. Pourquoi pas ? « Paris, c'est beau ! », nous dit-il. C'est un point de vue. On essaie de lui expliquer que la Bosnie-Herzégovine aussi, c'est beau. Qu'on a envie de rencontrer des gens de pays différent(s), de culture(s) différente(s), etc. Et puis la guerre est finie en Bosnie-Herzégovine, alors… Là, je crois qu'on aborde un sujet difficile. Il se renferme un peu et ne parle plus pendant quelques kilomètres. C'est évidemment délicat d'aborder un tel sujet quand on ne l'a pas vécu, et encore plus quand on n'a pas le vocabulaire pour expliquer précisément ce qu'on pense et bien se faire comprendre. Un peu plus loin, il recommence à parler, nous disant que ce pont a été détruit pendant la guerre, que cette maison a été brûlée, etc.

On arrive finalement à Travnik. On le remercie chaleureusement, il a l'air content d'avoir passé un moment avec des gens dans sa cabine. Un très bon souvenir pour tout le monde, je pense.

Travnik sous la pluie, c'est pas spécialement engageant. Alors on se dit qu'on va prendre directement un bus pour Sarajevo. Sarajevo, capitale de la Bosnie-Herzégovine, ville la plus peuplée du pays (avec environ 600 000 habitants), n'est pas très grande. La ville est au fond d'une vallée, entourée de massifs montagneux. Le centre de la ville est en bas, et quelques quartiers autour sont un peu plus élevés. Dès l'entrée dans la ville, on se rend vraiment compte qu'elle a connu la guerre. La proportion de bâtiments détruits (partiellement ou complètement) ou ayant des impacts de balle, est impressionante. De nombreux bâtiments sont couverts d'impact, depuis le rez-de-chaussée jusqu'au dernier étage. Devant certains de ces bâtiments, se dressent des buildings tout neuf, dont les façades en verre réfléchissent la lumière. Le décalage est étrange.

À la gare routière de Sarajevo où l'on arrive, on rencontre un bosniaque qui parle anglais. J'étais en train de demander en serbo-croate où passait le tramway : heureusement qu'il est intervenu, sinon nous n'aurions probablement pas trouvé avant le lendemain… Il vit à Manchester, où il s'est réfugié pendant la guerre, et revient en Bosnie-Herzégovine passer quelques vacances. Il insiste pour nous conduire jusqu'à l'arrêt du tramway. On discute un peu en chemin, en anglais. C'est agréable de pouvoir communiquer à peu près comme on le souhaite, sans se sentir frustré de ne pas comprendre ou de ne pas parvenir à s'expliquer. Il nous laisse à l'arrêt de tramway et nous achète même nos billets : « It's my treat ».

Un des nombreux minarets de Sarajevo.
Un des nombreux minarets de Sarajevo.

Nous prenons donc le tramway pour Ilidža, banlieue de Sarajevo, où se trouve un camping d'après notre guide. Arrivés au terminus du tramway, on demande aux alentours si les gens savent où se trouve cette rue, « mais si, il y a même un camping, vous savez bien ». Personne ne connaît. Le plan du « Petit futé » est complètement inutilisable. On rentre dans une petite boutique d'informatique, et on demande au vendeur, qui parle quelques mots d'anglais. Il ne connaît pas, mais demande au client. Il a l'air de voir où le camping se trouve. Il nous explique, et on le remercie. Il nous propose de nous emmener en voiture. Il insiste (« c'est normal, c'est l'accueil bosniaque ») et nous voilà montés dans sa voiture, moi à l'avant et Caroline à l'arrière, au milieu des deux enfants.

Il me demande d'où l'on vient. Je lui dis que nous sommes français. Il me sourit, me dit « Zidane ». Je lui réponds « Boban » en retour. Il ne tique pas. (Un peu plus tard, je réfléchis et me souviens que Boban est croate, et non bosniaque. Pas simple, tout ça…) Il nous emmène donc jusqu'au camping et nous le remercions.

Le camping est loin d'être complet. On arrive à la réception, on demande où l'on peut planter notre tente : « N'importe où dans le camping ». Cool. On plante la tente et, bonheur, une douche chaude, que l'on fait bien durer.

Il y a un restaurant dans le camping. On y entre et s'attable. Et là, on tend l'oreille. Non seulement la table derrière la nôtre est occupée par une famille française. Mais la musique à la radio, c'est… et oui, c'est Manau, « Le renard et la belette ». Comme dépaysement, on a fait mieux. On commande une soupe chacun (sur les conseils du serveur : au début, il faisait mine de ne pas prendre notre commande si on ne choisissait pas cette soupe-là, « une spécialité, très bon, faut vraiment que vous goûtiez à ça »), puis un gâteau. Et on se couche tôt, la journée a été longue…